Par Jean-Marie Guénois – Le Figaro –
«Le but du pape François est de tout faire pour se réconcilier publiquement avec le monde musulman. Mais le fait est que François a connu l’islam à travers un brave imam de Buenos Aires»
Le pape François veut tisser des liens étroits avec l’islam. D’autant plus étroits que les relations entre l’islam et les autres religions se crispent un peu partout. Il veut donc tendre la main, envers et contre tout, malgré les attentats commis au nom de l’islam par des djihadistes. Qu’il persiste d’ailleurs à nommer «terroristes» sans jamais les qualifier religieusement, parce que le Pape récuse tout amalgame entre ces violences et l’islam.
C’est un dossier fondamental pour lui. Il le vit même comme une urgence de son pontificat. «Le dialogue islamo-chrétien, confie le cardinal français Jean-Louis Tauran, président du Conseil pontifical pour le dialogue islamo-chrétien, est effectivement une priorité de son pontificat. Il entend montrer le grand respect qu’il a pour les croyants de l’islam.» De fait, a confié François le 25 avril: «J’espère que ce voyage contribuera au dialogue interreligieux avec le monde islamique.» Et c’est bien l’objet central de ce court voyage en Égypte, les 28 et 29 avril, même s’il va également rencontrer le pape copte orthodoxe Tawadros II dont la communauté a été attaquée par les attentats du 9 avril dernier qui ont fait 44 morts.
Dix années de… bouderies
Et s’il ne s’éternise pas en cette terre sainte du christianisme – Jean-Paul II s’était rendu au mont Sinaï en 2000 – c’est que ce pape argentin aime l’efficacité. Il opte donc pour des déplacements brefs et précis – un peu plus de 24 heures en fait – symboliques, où il privilégie les rencontres avec les personnes plutôt que les rendez-vous institutionnels.
Bien sûr, il rendra visite au président de la République, Abdel-Fattah al-Sissi – un militaire qui a pris le pouvoir par un coup d’État le 3 juillet 2013 – dans son palais Qasr al-Orouba. Mais c’est surtout pour le rendez-vous suivant, vendredi, que François aura traversé la Méditerranée: la visite de la fameuse université al-Azhar et la conversation avec son responsable, Ahmad al-Tayeb, nommé à ce poste par Hosni Moubarak en 2010.
Le temps imparti pour ce colloque est d’une rare brièveté dans les voyages pontificaux: un gros quart d’heure pour deux discours! Il est vrai que cette séquence s’inscrit dans le cadre d’une conférence internationale organisée par l’université al-Azhar sur la paix, mais c’est bien le symbole de la photo qui va compter. On ne sait pas ce que va dire le recteur al-Tayeb, connu pour sa volonté de faire évoluer certaines interprétations pratiques du Coran même s’il est combattu en interne par la présence active des salafistes et des Frères musulmans. Mais c’est lui qui est venu au Vatican le 23 mai 2016 pour inviter, en personne, le pape François après dix années de… bouderies.
En 2006, à son instigation, l’université al-Azhar qui entretenait depuis des décennies un dialogue annuel théologique avec l’Église catholique l’avait en effet suspendu pour protester contre les paroles du pape Benoît XVI. Ce dernier avait osé évoquer au détour d’un discours à l’université de Ratisbonne en Allemagne, la question de la «violence» possible dans certaines interprétations du Coran.
Les relations s’étaient encore aggravées en janvier 2011. Après un attentat à la voiture piégée devant une église copte d’Alexandrie (Égypte), le pape Benoît XVI avait dénoncé une «stratégie de violences» menée envers les chrétiens et le «lâche geste de mort». Ahmed al-Tayeb, grand imam de l’université al-Azhar, avait alors dénoncé une «ingérence» de l’Église catholique dans les affaires égyptiennes. Il avait cette fois rompu toutes relations avec le Saint-Siège.
Le climat s’est réchauffé avec l’arrivée du pape François. Dès son élection en 2013, al-Azhar s’est montrée ouverte à la reprise du dialogue. L’université sunnite, fondée en 969, est de facto une institution dans le monde musulman, puisqu’elle est la plus ancienne université et qu’elle accueille 300.000 étudiants venus de multiples pays. Sa direction a alors fait savoir à Rome qu’elle serait disposée à reprendre le dialogue, mais à une condition.
Que l’Église catholique fasse «un pas en avant» avec une intervention où le Pape pourrait dire «que l’islam est une religion pacifique, que les musulmans ne cherchent ni la guerre ni la violence» selon un connaisseur du dossier. En novembre 2013, dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, François insista ainsi sur l’enjeu du dialogue avec les musulmans, car «le véritable islam et une adéquate interprétation du Coran s’opposent à toute violence».
La non-violence de l’islam sera donc l’un des messages du Pape lors de ce week-end égyptien. Ce qui laisse très sceptique un de ses confrères jésuites, égyptien de surcroît et expert éminent de l’islam, le père Samir Khalil Samir: «Le but du pape François est de tout faire pour se réconcilier publiquement avec le monde musulman. Mais le fait est que François a connu l’islam à travers un brave imam de Buenos Aires…»
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